Jacques White parle de la maison contemporaine dans Le Soleil

Couverture médiatique: Le Soleil L’attitude au-delà de l’apparence par Laurie Richard (7 septembre 2011)

«Au Québec, le réflexe est encore aux apparences lorsqu’il s’agit de choisir un logis. Les maisons contemporaines intimident souvent et les plus novatrices font même peur. Mais ces demeures d’exception sont nécessaires pour faire évoluer tant les techniques que la pensée en matière d’architecture. Pour dépasser la notion du «beau», et se diriger vers le «bon».

Pour Jacques White, architecte et professeur à l’École d’architecture de l’Université Laval, les maisons contemporaines ne sont, pour la plupart, pas si flyées que ça. Il aborde la question comme le «problème de l’oeuf et de la poule». Car souvent, «l’architecture a l’air innovante, mais c’est nous qui sommes en retard» au Québec, surtout par rapport à l’Europe, souligne-t-il. «C’est toujours délicat de se comparer objectivement, mais les pays scandinaves sont plus innovants, la Suisse et l’Autriche aussi.»

Quels clients s’intéressent donc aux maisons qui surprennent par leurs formes inhabituelles? M. White soulève d’abord que les architectes travaillent très peu dans le domaine résidentiel, sauf, justement, pour les demeures d’exception. Ce sont, au départ, souvent des gens qui ont voyagé et vu d’autres possibilités en matière d’habitat qui approchent les professionnels.

En effet, plusieurs sont encore persuadés que faire appel à un architecte coûte trop cher, explique M. White. «On est dans la culture du rendement à court terme, de la libre entreprise; c’est la pratique commerciale de la maison.» Les clients, comme les architectes, doivent aussi être prêts à prendre des risques pour créer ces résidences peu communes. «Ce n’est pas fait pour les gens peureux», avertit-il. 

Question d’ouverture

«En tant qu’architectes, on essaie de faire des maisons 2011. Mais c’est difficile, il faut faire des prototypes à chaque fois», inventer des détails et convaincre les entrepreneurs, affirme M. White. Les matériaux nécessaires à la construction de résidences hors normes sont souvent plus difficiles à dénicher et les techniques de construction, moins courantes, donc plus chères.

«Mais ça s’en vient, la pratique commerciale s’intéresse au contemporain. Plus ils vont en fabriquer, plus ce deviendra accessible.» M. White donne en exemple la tourelle sur la façade d’une maison, qui a gagné en popularité dans les années 80. «Au début, les entrepreneurs trouvaient ça trop compliqué, mais les gens en ont demandé» et le prix a fini par baisser.

«On est dans une période nostalgique, pas capables d’assumer d’être de notre temps. On est encore dans l’apparence : on imite le bois avec du vinyle!» Mais M. White est persuadé que le virage s’en vient. Ça bouge lentement dans l’industrie, mais le mouvement est persistant, note-t-il.

Le phénomène ressemble à la relation entre la haute couture et le prêt-à-porter, dans le monde de la mode. L’extravagance des défilés a un effet subtil sur les tendances de la rue.

Les oeuvres d’exception permettent de sensibiliser le public, d’ouvrir les yeux sur les possibilités, soutient Jacques White. Mais pour ce, il faut accepter d’investir dans la recherche, de réfléchir pour créer du surmesure, de remettre les choses en question.

Pousser la réflexion

Une maison hors de l’ordinaire, «ça capte l’attention, ça permet de voir les choses autrement. Voir des constructions radicales, ça permet de se dire : «On a arrêté de réfléchir trop tôt», note le professeur.

Il faut arrêter de penser aux apparences, soutient l’architecte. Un escalier qui paraît bien en photo est beaucoup moins pratique qu’un escalier bien placé dans la maison. «On regarde les demeures en termes d’images et non de la manière dont on vit dedans, soit toutes les choses qu’on ne voit pas sur les photos.» Les architectes cherchent avant tout à faire une «bonne» maison contemporaine et non pas une «belle», rappelle le professeur à ses étudiants.

Pour un architecte, les demandes spéciales sont des défis stimulants. Les architectes adorent «isoler un défi et le mener bien, bien loin», que ce soit en matière d’environnement, d’accessibilité ou d’inventivité, comme une maison extrêmement étroite ou une autre dont toutes les surfaces se prêtent à la pratique du skateboard.»