François Dufaux parle de l’Hôtel-Dieu dans Le Soleil

 Couverture médiatique: Le Soleil L’Hôtel-Dieu, l’hôpital pas comme les autres par Pierre Asselin (30 octobre 2011)

« (Québec) Pourquoi construire sur les erreurs du passé? se demande l’architecte François Dufaux. Le site de L’Hôtel-Dieu possède des richesses qu’on pourrait exploiter, et on n’a pas besoin de creuser beaucoup pour les découvrir.

M. Dufaux, professeur à l’École d’architecture de l’Université Laval, supervise depuis des années les recherches d’étudiants sur l’histoire architecturale du monastère.

Par sa localisation, L’Hôtel-Dieu ne peut pas être un hôpital «comme les autres» en Amérique du Nord, dit-il, mais on devrait valoriser cette différence. «L’hôpital est dans un site exceptionnel, et il y a moyen d’en faire un hôpital exceptionnel, mais on a l’impression que ça ne les intéresse pas beaucoup. Je ne comprends pas.»

Le professeur nous a guidé pour une visite dans ce domaine, incluant une cour intérieure que trop peu de visiteurs ont l’occasion de voir. «La possibilité de recréer une cour intérieure entre un monastère et un hôpital, c’est unique en Amérique du Nord. C’est une chance inouïe. Mais on évite les parties anciennes et on déguise le nouveau en Château Frontenac, c’est un peu curieux.»

En 1892, après la construction du pavillon d’Aiguillon, l’hôpital comptait deux cours intérieures. La première, qui existe toujours, sépare l’hôpital et le monastère, situé à l’arrière, côté est. La seconde se trouvait dans le coin formé par les ailes qui suivaient la côte Dinan, au nord, et la côte du Palais, devant l’hôpital, côté ouest.

En 1954, pour construire la tour de 14 étages, on démolit les deux ailes du pavillon d’Aiguillon. La cour intérieure d’origine n’est plus qu’un étroit stationnement, écrasé par cette même tour. Une partie a aussi été amputée en 1955 par la construction d’un bâtiment annexe, de quatre étages, auquel s’est ajouté plus tard un escalier de secours extérieur.

La fiducie créée cette année pour transformer le monastère de l’Hôtel-Dieu en lieu de mémoire aimerait bien récupérer cet espace afin d’y recréer un jardin.

M. Dufaux a remporté en 2008 le prix Phyllis-Lambert de l’Institut du patrimoine de l’UQAM, pour sa thèse de doctorat, soutenue à Londres, sur la tradition du bâtiment à Montréal.

Travailler avec l’histoire

«Dans l’après-guerre, explique-t-il, le modèle d’architecture hospitalière visait à en faire des usines pour traiter les corps malades. Les hôpitaux ressemblent d’ailleurs à des machines, mais la nouvelle tendance est à la qualité de l’ambiance, pas seulement pour les malades, mais les employés aussi. On oublie souvent que ce sont eux qui y passent le plus de temps, et leurs conditions de travail et de vie sont misérables, dans un environnement sans lumière, sans ambiance. Le projet de l’Hôtel-Dieu représente une occasion de changer tout ça, c’est triste qu’on ne la saisisse pas. Il faut travailler avec l’histoire, dit-il, et non lui tourner le dos.»

Il cite en exemple le système de ventilation qu’on avait aménagé pour le pavillon d’Aiguillon. «On mettait à profit les différences de pression entre le sous-sol et le grenier. Vous verriez ça aujourd’hui et ça se mériterait une certification superécologique. C’est ironique de voir qu’on a mis de côté un bâtiment avec de grandes qualités de conception, pour le remplacer par une machine.»

Lui et ses étudiants ont fait l’exercice d’abaisser la tour et de suivre les plans du XIXe siècle, en ajoutant quelques étages. «On serait capable de répondre aux besoins en superficie de l’Hôtel-Dieu», soutient-il.

Il pense aussi que compte tenu des sommes importantes qui sont en jeu, l’exercice mérite peut-être plus de réflexion. «Quand on parle de réparations, d’améliorations, ça peut passer, mais quand on approche du milliard de dollars, il me semble qu’il y a une réflexion qui s’impose. Aujourd’hui, on construit le patrimoine de demain, mais pour aller quelque part, il faut savoir d’où on vient.»

Concours

L’architecte verrait d’un bon oeil un concours fondé sur les grands principes de ce mandat. Mais, note-t-il, «faire un concours, c’est donner une dimension publique au projet, et en architecture, les administrateurs ont l’impression que d’avoir plus d’options, c’est comme perdre le contrôle».

Un point de vue que ne nie pas Élisabeth Corneau, directrice du projet pour le CHUQ.

«Les concours, on y a pensé, mais un concours d’architecture, ça veut dire ouvrir à l’international, avoir moins de contrôle sur les coûts. Ce n’est pas tout le monde qui connaît bien le contexte de Québec ou les besoins des hôpitaux.»

Le CHUQ prévoit plutôt mettre en place un comité de design, «avec des architectes du milieu qui pourront critiquer, bonifier le projet, amener des idées. On entend faire notre possible pour que le projet s’harmonise avec son milieu». »